La Dominique

 

Après l’ouragan en Dominique…

J’ai appris pour la Dominique le matin du 22 septembre, avec trois jours de retard sur le reste du monde. À ce moment-là, je traversais la mer des Caraïbes de Cancun à Curaçao, à bord du ‘’M/V John Paul Dejoria’’ des Sea Shepherds. Nous avons navigué pendant cinq jours, mais nous avions une connexion internet à bord du bateau. J’avais entendu ‘’vite fait’’ parler de Maria, un ouragan annoncé de catégorie 1, j’avais à peine relevé l’information. Je me rappelle m’être dit que ça allait être de la rigolade après les folies d’Irma. L’ouragan le plus destructeur de ces dernières années avait frappé quelques jours avant, et il me paraissait impossible que cela se reproduise, ‘’la nature ne frapperait pas un homme à terre’’. J’allais bientôt apprendre que si.

J’avais rejoint les Sea Shepherds au Mexique pour une mission appelée ‘’Good Pirates of Caribbean’’. C’était une campagne visant à venir en aide à St-Martin après le passage de cette fameuse Irma. C’est impressionnant comme aujourd’hui les prénoms d’ouragans habitent ma vie et me paraissent communs, alors que jusque là, je n’y avais jamais vraiment prêté attention.

Cette mission, ce tournant dans mon voyage, faisait sens avec mon itinéraire de cette année. Début mars 2017, j’étais arrivée à La Barbade , un peu par hasard, un peu parce que j’avais pris le premier bateau qui passait, parce qu’il fallait que je quitte l’Europe, vite. J’y suis donc arrivée début mars, bancale et perdue, après des semaines en mer qui m’avaient bien retournée. Je n’ai jamais rêvé des Caraïbes. D’abord je ne voulais pas y aller, ensuite je ne voulais pas y rester, mais au final, c’est l’endroit du monde où j’ai passé le plus de temps durant un voyage. Plus de huit mois à découvrir les différentes îles à la voile, à pied, à terre, en avion-stop… Je suis tombée sous le charme de la Dominique et de la Guadeloupe, et sans même m’en rendre compte, j’ai passé trois mois sur chacune d’elles, développant des habitudes, des connaissances, un réseau de locaux devenus mes amis proches.

C’est donc le 22 septembre que la nouvelle est tombée pour moi, mais je crois que je l’avais senti avant, je n’avais juste pas eu le courage de taper ‘’Dominica’’ ou ‘’Maria’’ dans ma recherche Google. J’ai demandé à un autre membre de l’équipage s’il avait eu des nouvelles, s’il pouvait regarder pour moi. Il a mis ses deux mains à plat et les a frottées, comme pour mimer le plat. Devant mes sourcils froncés, il m’a dit que l’île était ‘’mashed’’. Mon pauvre vocabulaire anglophone gagnait un mot : Mashed – En purée, broyé. La Dominique, elle, avait tout perdu.

Ma première pensée est allée à Souley, un enfant avec lequel j’ai passé cinq semaines à Castle Bruce lors d’un volontariat, et qui m’avait particulièrement marqué. Avec le pressentiment d’une catastrophe, j’ai cherché à avoir des nouvelles de lui et sa famille, de ceux qui vivaient avec eux. Très vite, j’ai appris que Souley, son frère et sa mère étaient en sécurité, en vacances en France. Leur père et les autres habitants de la communauté, Sian et Mario, étaient toujours en Dominique et n’avaient pas encore donné signe de vie. Je tombais sur l’oreiller, et passais des heures « wrappée » dans un duvet en position fœtale, le corps envahi de grands frissons. J’avais mal aux reins, à la tête, aux os, au cerveau. Un jour sans nouvelles, puis deux, puis trois.

La Collecte

Il fallait faire quelque chose, n’importe quoi, retrouver mes amis, leur apporter de l’aide, de quoi manger au moins… Il fallait à tout prix que je sorte du bateau, même si ça voulait dire ne plus être une Shepherd, même si je n’étais absolument pas sûre de mon coup. Il fallait prendre le risque. Par Dieu sait quel hasard, la trajectoire du John Paul Dejoria avait un peu changé, et les bons pirates des Caraïbes avaient été mandatés par la Croix-Rouge pour livrer des tonnes de bâches aux sinistrés de la Dominique. C’était ma chance de quitter le bateau. J’en ai parlé au manager de la mission et lui ai demandé de me débarquer ; à ce moment-là, je n’avais aucune idée de quoi faire. Le plan arriva par la suite : il fallait que je rejoigne la Guadeloupe pour organiser une énormissime collecte à ramener en Dominique, et que je la distribue sur place dans les villages reculés où vivaient mes amis. Le manager me proposa  mieux : ‘’tu fais ta collecte en Guadeloupe, et lorsqu’on redescend les Antilles, si ta collecte est assez conséquente, on t’aidera à la transporter de la Guadeloupe à la Dominique’’. J’avais une semaine.

Le 26 septembre vers 9h30, le cœur battant un peu plus que de coutume, je débarquai du JPD en Martinique. Benoît m’accompagna un bout à pied (Ben, c’est le joli blond des photos – mais on en reparlera sûrement). Je fis de l’auto-stop jusqu’à la marina de Fort-de-France et montai illégalement dans un ferry pour la Guadeloupe. Je sais, c’est mal, mais il y avait urgence et je n’avais pas le temps pour le bateau-stop. Malgré cette mission particulière, je continuais à vivre et me déplacer à ma manière. Je n’avais donc ni véhicule, ni téléphone portable, ni même argent sur moi, ce qui me compliquerait souvent la tâche. J’arrivai le soir même en Guadeloupe, et je découvris alors des dizaines de bonnes raisons de me dérober. Mais au lieu de ça, je fis une liste.

Créer un site internet, une cagnotte, un compte en banque, un visuel. – Communiquer sur la campagne, passer à la radio ? Dans les journaux ? – Organiser des collectes à la sortie des supermarchés, obtenir l’autorisation des directeurs, trouver des véhicules, des volontaires, créer des affiches. – Trouver un lieu de stockage proche de la marina, des myriades de cartons, un téléphone portable pour appeler machin… – Organiser une soirée caritative, trouver une salle, rameuter le monde. – Empaqueter, faire les achats avec les dons, être prêt pour l’arrivée du bateau. – Commencer à organiser la distribution sur place, trouver des contacts, un camion.

Très vite je trouvai de l’aide. Jordan, du Spot Coworking pour tout ce qui touchait à internet (il a notamment créé le site www.urgencedominique.com en une après-midi) et François, le créateur de ‘’Gwada Connexion’’,une page Facebook recensant 45’000 personnes en Guadeloupe, pour la communication. Ces deux messieurs furent mes plus grandes aides. Je pus aussi compter sur mon amie Madeline qui m’hébergea toute la semaine, sur mon Baptiste qui, depuis les Etats-Unis, obtint des accords de supermarchés grâce à son réseau en Guadeloupe, sur Keyane pour le logo et les flyers, sur Cassandre pour la vidéo, l’association Gratifiera pour le local et l’empaquetage, RCI et France Antilles pour les médias, et à une flopée de volontaires qui ne comptèrent pas leurs heures pour donner vie à ce projet. J’ai été surprise de voir à quel point les gens se sont investis pour m’aider. Ça n’a pas été simple, mais sans eux je ne serais jamais arrivée à un tel résultat. Chacun a ajouté sa pierre, et au final on a érigé quelque chose de grand. Comme quoi, c’est possible.

Malgré tout, la semaine fut très éprouvante. Le cerveau bouleversé, j’essayais de maintenir ma tête hors de l’eau, mais je n’étais jamais bien loin de la noyade. Je dormais entre 4 et 5 heures par nuit, j’en oubliais de manger, chaque nouvelle complication me donnait un coup au moral. Une suite d’insomnie, de cauchemars, de maux de tête, mais je tenais bon. Je me disais que ce que j’accomplissais-là était bien l’acte le plus important de toute ma vie. Je retournerais en Dominique, serait-ce sur les genoux.

La collecte en chiffres :

La collecte dura du 27 septembre au 4 octobre ; le bateau JPD arriva le 4 au matin à la Marina de Pointe-à-Pitre. En une semaine je réussis à collecter 9’760 euros de dons financiers, entre la cagnotte en ligne et un événement qui a eu lieu en Guadeloupe le samedi 30 septembre. Sur 3 collectes organisées devant des super marchés, 3 tonnes d’eau, 1 tonne de nourriture et 500 kilos de produits d’hygiène furent récoltés. Thomas, un jeune homme qui avait fait une collecte de son côté, l’associa à la mienne et ajouta 1600 euros à la cagnotte, qui furent utilisés pour acheter plus de nourriture et de la petite quincaillerie (bougie, allumettes, gros scotch…) Estimant que nous avions ‘’assez’’ de vivres pour permettre à 3 villages de vivre correctement durant quelques semaines, je décidai de consacrer une grosse partie de la somme d’argent récoltée (environ 6’300 euros) à l’achat de groupes électrogènes, d’outils et de bâches pour permettre aux habitants de reconstruire leurs maisons, d’avoir de la lumière et un peu d’électricité. Une grosse génératrice de 400 kilos, capable d’alimenter un village entier, nous fut également donnée par un particulier en Guadeloupe. 2500 euros permirent d’acheter des médicaments et du matériel pour réapprovisionner des centres médicaux de l’île. Le reste de la somme (environ 1000 euros) fut dépensé pour acheter des tongs, des bidons, des hamacs, des gourdes, des crayons, des ballons et d’autres objets pour les enfants.

La distribution

Nous sommes partis le 5 octobre pour la Dominique, et là-bas, tout s’est passé très vite. Les Sea Shepherds avaient d’ores et déjà des contacts sur place et ont réussi à m’avoir un camion pour deux jours, avec un chauffeur et deux militaires pour m’escorter. La première journée fut très dure moralement, les Sea Shepherds voulant travailler avec le gouvernement, j’ai dû un peu montrer les crocs pour que la collecte ne parte pas aux mains de ministres, mais bien directement dans celles des sinistrés. Après maintes discussions et quelques haussements de ton, nous avons trouvé un accord : je faisais ce que je voulais, mais tout devait être répertorié et photographié officiellement, je devais rendre des comptes à une ministre (de je ne sais plus quoi), et ai dû lui donner une palette de nourriture et une seconde de bouteilles d’eau. Mon manque de diplomatie et mon dégoût de l’Etat ont été très durs à gérer sur le coup : pour la première fois depuis bien longtemps je me suis énervée. J’ai même crié sur Ben, qui, depuis ce jour, m’affuble du surnom du « Grinch ». Vous voyez le gros monstre vert poilu, qui vit dans une grotte, déteste noël et fait peur aux enfants ? En fait c’est moi.

Tout ça pour rien au final, car la négociation s’est montrée payante, voir indispensable. J’ai notamment eu l’autorisation d’aller partout sans me faire bloquer par les autorités ou devoir payer des taxes folles aux douanes. Le second défi a été pour moi de me faire prendre au sérieux par les gens avec qui je travaillais sur place (les chauffeurs, les organisations, les gens de l’Etat), en tant que femme. Les questions me concernant directement étaient posées à mes collègues hommes, mes demandes absolument pas prises en compte, jusqu’à ce que je passe par mes collègues hommes, justement. Cette fois-ci je laissais couler, me disant que la cause valait plus que mes idéaux ou mes blessures d’amour propre.

Au final je m’en suis sortie, et le 6 octobre à la première heure, nous prenions la route. Nous, c’est Jordan du Spot Coworking (que j’avais réussi à embarquer avec moi sur le JPD), Samantha la photographe des Sea Shepherds (à qui l’on doit toutes les images de la distribution), le chauffeur et les deux militaires. Nous partions pour les villages de Castle Bruce et des Kalinagos, à deux heures de route de là. Jordan et moi avions des contacts sur place, et nous avons « retourné » le village pour les trouver. C’était une tâche compliquée car le paysage ne ressemblait en rien à celui que j’avais connu et les réseaux téléphoniques étaient coupés. Finalement, on a retrouvé Dino (rasta des Kalinagos) et Astrid (l’amie du père de Souley à Castle Bruce), et leur avons remis des vivres à distribuer dans leurs communautés respectives.

Pendant que nous roulions sur le chemin du retour, une vielle dame dans son jardin accrocha le regard de Jordan, et le retint. Alors il frappa super fort sur le bord du camion pour que le chauffeur s’arrête. Il râla un grand coup, mais il s’arrêta. Nous lui demandâmes ce dont elle avait besoin et préparé un carton plein de vivres. En le portant jusqu’à chez elle (c’était trop lourd pour la laisser le porter seule), elle nous invita à entrer. Son toit coulait, il n’y avait plus rien à manger dans ses placards et il lui restait environ 2dl d’eau dans sa réserve… Les vieux ne demandent rien (et par conséquent ne reçoivent rien), les vieux sont fatigués, les vieux ne devraient pas avoir à vivre ça… J’ai eu le cœur brisé par cette vision et on lui a donné tout ce que l’on a pu pour l’aider : plus de nourriture, encore plus d’eau, une bâche de dix mètres pour son toit… Elle nous a remerciés et nous sommes remontés sur le camion, un peu tremblants sur nos pattes. Je pense que je n’oublierai jamais les yeux de cette femme-là. Cette rencontre donnait tout ce sens à nos efforts. Nous nous sommes arrêtés devant d’autres maisons par la suite, et toujours, les gens recevaient nos dons avec une gratitude immense.

Le deuxième jour, je repartais avec le chauffeur, les deux militaires, Jordan, Samantha et Jody (une autre Crew du bateau, la cuisinière et maman de notre équipage). Nous partions en direction d’un village appelé Bellevue Chopin, à une petite heure du bateau. Pour moi c’était capital de m’y rendre. L’été passé, je m’étais aventurée seule, en autonomie, sur les traces du Waitukubuli National Trail, un chemin de randonnée de 185 kilomètres qui traverse toute la Dominique. Mais après seulement trois jours, j’ai failli abandonner. J’étais fatiguée, je m’étais blessée au genou, toutes mes affaires étaient trempées et je m’étais fait attaquée par une sorte de  »punaise de jungle », qui m’avait infligé des centaines de morsures sur tout le corps. J’étais dans un sale état, mais à la fin de cette troisième journée, j’ai rencontré Laure. Laure m’a accueillie chez elle, elle m’a cuisiné des spaghettis bolognaise que je n’oublierai jamais tellement elles étaient bonnes, elle m’a offert son lit, une bonne douche, elle m’a aidé à sécher mes affaires et donné de l’argent pour avoir de quoi soigner mes piqûres. Le lendemain matin, je repartais comme neuve.

C’est chez elle que je me suis rendue pour mon deuxième jour de distribution. J’ai rempli un camion de vivres et je suis partie à sa recherche, dans son village perdu. Et je l’ai retrouvée. Elle allait bien, elle avait la pêche comme toujours, et était plutôt surprise de me voir débarquer. Beaucoup d’émotion donc, nous étions les premiers à aller jusqu’à Bellevue Chopin depuis l’ouragan, les premiers à apporter des vivres dans leur village. Elle m’a raconté un peu de leur quotidien depuis l’ouragan, le manque d’aide, le manque d’eau, la détresse de chacun. Elle était dégoûtée de l’égoïsme et de la basse hypocrisie dont faisait preuve l’Etat. Les dégâts de l’ouragan étaient nettement minimisés, notamment le nombre de morts. Quinze morts ont été rendues publiques. Le village voisin,  totalement ravagé, en comptait seize à lui seul. ‘’Des gens sont morts dans leur maison et personne ne va chercher les corps…’’

J’ai déchargé chez elle un camion plein de vivres, d’outils, deux groupes électrogènes… Quelle joie pour moi de pouvoir rendre un peu, à elle et son entourage, de tout ce qu’ils m’avaient offert si naturellement lors de mon passage cet été. Elle s’est chargée ensuite de redistribuer une part équitable à chaque membre de la communauté. Malheureusement, je n’ai pas pu dormir sur place, car j’avais une autre livraison à faire, mais Jordan est resté avec eux et Laure m’a envoyé plein de photos.

De Bellevue Chopin, Jody, Sam et moi avons pris la route en direction d’un village nommé la Pleine, au sud-est de l’île. Encore une fois, nous avions beaucoup de route, quasi cinq heures l’aller-retour. J’avais choisi d’aller là-bas car c’est l’un des endroits les plus isolés de l’île, et personne ne s’y rend vu les distances. Nous étions une fois de plus les premiers à nous y aventurer, et les besoins dans ce village (et celui de Délice juste à côté) étaientt colossaux. Ce fut la plus éprouvante des distributions.

Ne connaissant personne là-bas, nous avions décidé de nous placer dans différents coins du village avec le camion et de donner directement un carton de nourriture à chacun. Très vite – trop vite –  la nuit tomba et notre mission se compliqua. Ça devenait dur de voir ce que nous donnions, de voir ce qu’il nous restait, et rapidement un attroupement se forma autour de nous. Les gens s’impatientaient, criaient et essayaient de monter sur le camion. On nous secouait de tous les côtés. Ce n’était pas violent, ni vraiment dangereux, seulement l’activité naturelle de personnes affamées qui en ont marre d’attendre. Jody s’est mise à paniquer : ‘’Merde ! Triple Merde ! On fait quoi maintenant ? Saraaaaah ?!’’ Moi j’essayais de garder mon sang-froid, mais pour la première fois, j’avais peur. J’avais peur de la peur de Jody – je voulais la rassurer mais je ne la voyais même pas -, j’avais peur que nous nous fassions agresser, mais surtout, je craignais que les militaires ne deviennent physiques. Je les voyais s’échauffer eux aussi. Alors pour calmer le jeu, je demandai aux gens de se mettre en ligne. On arriverait ainsi mieux à estimer le nombre de cartons, et surtout ça nous éviterait de nous faire secouer. Dieu sait par quel miracle, le plan fonctionna.

Après une heure, il ne nous restait plus que quelques conserves et de l’eau, mais les gens continuaient d’arriver. Je me haïssais sur le coup, je trouvais ma démarche vaine : ‘’il n’y aura jamais assez’’, je me disais.  Des femmes nous suppliaient pour avoir des bouteilles d’eau, leurs enfants sous le bras, elles nous tendaient des billets. Tout le sang de mon corps remontait à ma gorge, j’étouffais, mes larmes – si longtemps contenues – coulaient. Je voyais des enfants avaler des bouteilles d’un litre et demi d’une traite. Je crois que ça marque à jamais un humain de vivre ça… Nous avons partagé les packs d’eau de la manière la plus équitable possible et une fois le camion vidé nous sommes rentrés au bateau. Pendant les deux heures de trajet retour, aucune de nous ne parlait. A 21h, nous retrouvions le reste du staff et tout le monde nous demandait – très enthousiastes – comment s’était passée la journée. Nos voix aigües et tremblantes répondirent ‘’good’’. On ne peut pas expliquer une journée pareille… Je crois que Ben fut le seul à remarquer mon visage barbouillé de larmes et de poussière. Il m’invita à jouer aux cartes, et fit héroïquement semblant de perdre.

Il y eut un troisième jour de distribution. Il y eut d’autres maisons, d’autres rencontres, d’autres galères aussi.

C’est de loin l’article qui a été le plus difficile à écrire pour moi depuis l’ouverture de ce blog, il est décousu et plutôt mal écrit, je couche les mots comme ils me viennent. Mais je suis soulagée, c’est fait. Il y a bientôt trois semaines que j’ai quitté la Dominique et les événements sont encore embrouillés dans ma tête, j’ai du mal à les remettre dans l’ordre. Je me réveille encore en sursaut la nuit, je revois en boucle les gens, les arbres, la poussière étouffante. Je crois que j’aurai toujours une trace d’ouragan dans les yeux. Des fois je me mets à pleurer sans raison. Et des fois je souris toute seule, soulagée, heureuse et impressionnée devant la beauté de ce que j’ai amorcé, de ce que l’on a accompli ensemble. Je n’avais jamais fait d’humanitaire avant, et je ne sais pas ce qu’il en restera dans mon esprit dans quelques mois, dans quelques années, mais je suis presque sûre que je n’oublierai jamais rien de ce mois d’octobre 2017. A l’échelle mondiale, c’est pas grand-chose, mais pour une poignée d’humains qui décide de se bouger, c’est irréellement grand. On a embelli le quotidien direct de dizaines de personnes. Merci à tous pour votre soutien, vos dons, votre temps. Merci de m’avoir suivie sur ce coup-là aussi.

Articles de presse :

L’aventurière fauchée collecte des dons pour la Dominique