2017 sur la route

  Cette année a été riche pour moi. J’ai été bien plus loin que je ne l’imaginais, d’abord sur la route, mais surtout en moi-même. J’ai rencontré la mer, la voile, la nature, les Antilles, et puis l’écriture. J’ai commencé à vous parler. Un an complet autour du monde, sans argent, seule et en stop, je ne pensais jamais en être capable, mais j’en sors grandis et troublée. Quoi qu’il se passe demain, je n’oublierais jamais. Pour fêter cet anniversaire merveilleux, et parce que la première étape de ce voyage vient tout juste de prendre fin, je crois que c’est l’heure du bilan.

Dépenses durant mon année de voyage

Beaucoup d’entre vous me demandent si je voyage vraiment sans argent, et si non quel a été mon budget, voici donc les chiffres exactes de mes dépenses de l’année 2017 :

Hébergement 11 euros (une nuit en guest house à Malaga)

Nourriture 240 euros

Transport 5 euros (un bus pour rejoindre une ONG au Panama)

Equipement 88 euros (un ordinateur d’occase, du fil pour fabriquer des bracelets, un paréo et quelques produits d’hygiène)

Organisation 303 euros (80 euros pour renvoyer mes vêtements d’hiver à la maison, 223 euros le billet d’avion pour rejoindre les Sea Shepherd à Cancun)

Projets 63 euros (abonnement workaway annuel et hébergement de mon blog)

Visa 18,5 euros (taxe d’entrée des îles San Blas)

TOTAL : 728,50 euros

Cet argent provient essentiellement d’un job d’été que j’ai exercé à mon retour d’Asie en 2016, et 100 euros m’ont été donné par un couple de retraités qui suit mon blog depuis son ouverture et voulaient m’encourager. Je ne gagne aucun argent via ce blog, rien n’est monétisé, aucune pub, annonceur ou partenaire ne me rémunère.

Visa : Durant ce voyage, je n’ai payé qu’un visa. En bateau, faisant partie de l’équipage, je n’en avais pas besoin – et puis dans les îles je n’ai déclaré ni mon arrivée ni mon départ. Je précise que c’est absolument illégal mais plus simple, rapide et gratuit. J’ai pris le risque ici, mais à ne pas tenter pour Cuba par exemple et d’autres îles plus contrôlées. Pour la Guadeloupe et la Martinique pas besoin de visa, ce sont des départements français. Ensuite les frais ont été pris en charge par les Sea Shepherd lorsque je travaillais avec eux. De nombreux pays sont accessibles sans visa pour les ressortissants Suisses et Français.

Frais annexes : 600 euros d’assurance voyage payé chaque début d’année (je n’ai aucune autre couverture) – billet de retour depuis la Colombie offert par mes parents pour me permettre de rentrer à Noël.

Itinéraire

Comme toujours, je suis partie de chez moi, en Suisse. Départ le 8 décembre 2016 en direction de Gibraltar pour trouver un bateau : Lausanne – Alès – Marseille – Toulouse – Bordeaux – Pau – San Sebastian – Cazorla (magnifique) – Grenada – Malaga – Cádiz – Tarifa – Gibraltar, en environ un mois.

J’ai passé un mois à Gibraltar à caréner et préparer le bateau pour la transat avec le capitaine, et puis nous sommes partis le premier février. 28 jours de navigation, de Gibraltar à la Barbade, avec deux jours de ravitaillement à Gran Canaria.

En suite j’ai passé environ six mois dans les Caraïbes : Barbade – îles Grenadines – Guadeloupe – Dominique – Guadeloupe – Martinique – Tobago – Trinidad. Puis, fin septembre, j’ai rejoint les Sea Shepherd à Cancun pour une mission de sept semaines : Cancun – Martinique – Dominique – Guadeloupe – Dominique – Curaçao – Sainte-Lucie – Iles Vierges – et enfin le Panama. J’y ai travaillé avec l’asso GeoParadise durant près de deux mois.

Dernière ligne droite, la traversée Panama – San Blas – Colombie, où j’ai voyagé en bateau à moteur gratuitement grâce à l’asso qui organise des allers-retours pour la Colombie.

Je n’avais pas prévu d’itinéraire ni de durée dans chaque pays, je me suis juste laissée porter et j’ai suivi mes coups de cœurs – notamment pour la Guadeloupe où je me sens comme chez moi, et la Dominique qui n’en finira jamais de m’émerveiller. J’avais dès le départ pris la Colombie comme point de mire, et j’ai fini par l’atteindre (un peu débraillée) après un an et cinq jours de stop !

Comment voyager sans argent

La question par excellence : comment je fais, quelle est ma recette, mon secret ? J’aurais voulu vous donner une formule magique qui marcherait dans tous les cas de figure, mais évidemment, chaque situation est unique. Par contre je peux vous raconter mes différentes expériences et partager avec vous quelques conseils.

Pour les transports :

Je me déplace à pieds ou en stop, en voiture ou en bateau, et même en avion-stop dans les Caraïbes.

L’auto-stop est devenu presque naturel pour moi, c’est la méthode que je préfère et que je connais le mieux (environ 25’000 km parcourus déjà – à travers l’Europe, l’Asie, dans les îles et depuis peu, en Amérique Latine). Je m’émerveille toujours autant des rencontres brèves et intenses qu’offre ce mode de transport.

J’adore faire de l’auto-stop sur de grandes distances, des centaines, des milliers de kilomètres sans m’arrêter. Parfois sans même avoir de destination. C’est le moment où je me sens le plus libre, où j’ai l’impression que le monde est un vaste terrain de jeu. En général, je pars le matin de bonne heure, et j’avance. Puis selon mon envie, je m’arrête dans un coin plaisant, ou chez des gens avec qui j’ai envie de partager plus de temps. Souvent les conducteurs se prennent de sympathie pour moi et mes histoires saugrenues, me proposent de m’héberger et m’invitent à leur table pour partager un repas.

Je n’ai jamais rencontré de réel problème en auto-stop après bientôt trois ans de pratique. Deux conducteurs m’ont fait des avances que j’ai déclinées poliment avant de demander à sortir de la voiture. Avec le temps, on acquiert plus de sang-froid, de diplomatie et de facilité à communiquer ses malaises, et cela règle bien des malentendus.

Ma plus longue attente a eu lieu en Espagne – un pays où j’ai vraiment galéré – plus de 40 heures de stand by dans une station-service, jusqu’à ce qu’un routier me sorte de ma galère. J’ai aussi à quelques occasions attendu des 6 -7 heures sous une pluie diluvienne dans des coins perdus. Mais en général, si le trafic est bon, je n’attends pas plus d’une heure. Parfois – et ça m’arrive de plus en plus souvent – je n’attends même pas dix minutes.

Il m’est arrivé une seule fois en un an de ne pas avoir le courage de faire du stop et de préférer prendre un bus. C’était au Panama, je quittais les Sea Shepherd, j’avais été malade toute la semaine, je me sentais affaiblie. Je ne voulais pas partager ma peine et me traîner sur des bords de route, je n’avais pas envie de parler, alors j’ai emprunté le bus local. J’essaye toujours d’être en forme, joyeuse et motivée quand je fais du stop, comme pour laisser une bonne image afin que le conducteur ait envie de s’arrêter pour le prochain auto-stoppeur.

Entre le bateau-stop et moi, c’est un amour vache. Autant vous dire qu’en trois ans de voyage, je ne suis jamais autant sortie de ma zone de confort qu’en traversant l’Atlantique en voilier. Ma seule connaissance en navigation était jusqu’alors ma propension remarquable au mal de mer, domaine dans lequel j’excelle depuis toute petite. Trois semaines enfermée sur un bateau, jour et nuit, qu’il pleuve, qu’il vente ou qu’il neige (rarement, je l’avoue), avec peu de repos et peu d’intimité.

En route pour Tobago !

Pourtant, il y a un truc qui me réjouit et me charme dans la voile. Je ne sais toujours pas le nommer ni l’expliquer, mais la mer m’attire malgré tout. J’aime le temps suspendu, les distances que l’on compte en jour, les étoiles, le vent, les levers et couchers de soleil. J’ai un souvenir très ému de la deuxième nuit de la transat, où une multitude de dauphins (je parle de centaines) ont nagé avec le bateau durant trois heures, traçant derrière eux leurs trajectoires de pontons lumineux. Je crois que c’est la plus belle chose que j’aie vue de toute ma vie. Teagen (la fille du capitaine) disait que l’océan était une discothèque, et ensuite plus personne n’a parlé, nous étions comme absorbés par le spectacle. Il n’est pas impossible que l’on ait tous un peu pleuré.

Alors malgré les difficultés, je persévère. J’apprends à garder le contenu de mon estomac en place, je m’intéresse de plus en plus à la navigation, au réglage des voiles, à la vie en mer, aux différents termes et nœuds marins. Je m’adapte, je prends sur moi, j’apprends à apprécier le malmenage des vagues et les vents salées, les quarts sous la pluie, la cuisine spartiate, les tâches nécessaires au maintien d’un bateau. J’ai embarqué sur cinq voiliers différents en bateau-stop cette année, et parcouru plus de 5’000 miles nautiques à la voile (je ne compte pas mon passage chez les Sea Shepherd car nous étions « au moteur » et non à la voile).

Je raconte comment j’ai trouvé mon voilier pour la transat dans cet article. À chaque fois la démarche a été plus ou moins la même. Je rencontre les capitaines directement sur les pontons, à la capitainerie où il m’arrive de laisser des annonces, ou dans des bars de la marina. Parfois je déniche un bateau en partance par simple bouche à oreille. J’ai toujours trouvé un bateau où loger dans les ports, ce qui m’a permis d’être sur place et prête à embarquer à tout moment. Je n’ai encore jamais fait usage de bourse aux équipiers en ligne.

Je sais que certains d’entre vous attendent l’article de ma transat depuis des mois, mais je n’arrive toujours pas à en écrire un mot, tant l’expérience m’a été forte, riche, déstabilisante. Promis, un jour !

Lors de mon départ de Guadeloupe le 20 août, j’ai volé ! Dans les airs, pour de vrai, pour la première fois depuis mon retour d’Asie. Ce fut ma première expérience en avion-stop. Quelques semaines auparavant, je m’étais rendue dans un aéroclub de Saint-François avec mon amie Val pour demander aux pilotes si quelqu’un avait prévu un départ prochainement, et s’il me serait possible de partir, peu importe la destination. Aucun vol n’était prévu, je venais de louper de deux jours le départ d’un pilote pour une île au sud des Antilles (dont le nom m’échappe).  Le patron de l’aéroclub (super sympa), m’offrit un tour d’ULM jusqu’à la Pointe des Château, et c’était magnifique. J’ai quand même laissé mon contact à l’aéroclub, « au cas où ».  Un jour, environ un mois plus tard, j’ai reçu un appel de Simon qui me proposait de voler avec lui jusqu’en Martinique : ‘’départ dans deux jours’’. Mes plans avaient un peu changé entre-temps, j’avais prévu de voyager quelques semaines avec Baptiste, que je venais de rencontrer après sa traversée de l’Atlantique en Pédalo. Je n’étais pas du tout prête à partir. Simon m’a alors proposé de venir avec Baptiste, et nous avons emballé toutes nos affaires en un temps record, et l’avons rejoint à l’aérodrome de Pointe-à-Pitre sans aucun autre plan en tête. Moins d’une demi-heure plus tard nous atterrissions (tout perdus) en Martinique.

Je n’ai pas eu l’occasion de retenter l’expérience pour le moment, et j’ai peu de conseils à vous donner pour cette pratique, mais je crois qu’il suffit d’oser se lancer. Ne pas être trop pressé, trouver un aéroclub ouvert au public, parler de son projet avec les employés et les pilotes. Il ne reste plus ensuite qu’à faire confiance à la chance !

 

Pour l’hébergement :

Je passe souvent mes nuits chez les gens que je rencontre durant la journée, mes chauffeurs principalement. Si je ne rencontre personne pouvant m’accueillir, ce qui est plutôt rare, je sollicite l’hébergement auprès d’inconnus qui m’ont l’air sympathiques. Il m’a fallu des mois et des mois pour oser accoster quelqu’un dans la rue ou un parc, et lui demander si je pouvais dormir chez lui. Je n’ai toujours pas la classe infinie d’Antoine de Maximy, mais j’y travaille ! Je raconte mon projet et demande – sans insistance aucune – si la personne serait d’accord et contente de m’accueillir chez elle. Je précise que je suis dans une démarche sans argent qui m’est personnelle, que c’est un choix, que je ne lui en voudrais aucunement de refuser. Souvent elle accepte. Parfois il m’arrive aussi (de plus en plus rarement) de me servir de la plateforme couchsurfing pour trouver des hôtes. J’adore le couchsurfing car j’y ai souvent été hébergée par des voyageurs en pause, où en tout cas des gens déjà ouverts à l’idée d’accueillir un étranger chez eux. Je n’ai jamais rencontré aucun problème avec mes hôtes (qu’ils soient hommes, femmes, vieux, jeunes, d’Europe, d’Asie ou des îles). Je suis contente que le couchsurfing ait été là pour m’aider à me lancer. Cela reste un filet de sécurité pour moi, même si aujourd’hui je préfère de beaucoup l’idée de dormir chez des gens pas forcément enclins à accueillir quelqu’un chez eux à la base. Et de leur donner l’envie de recommencer.

Il m’est cependant arrivé dans quelques rares cas (six nuits durant ce voyage, onze lors de ma traversée de l’Europe) de ne rencontrer personne prêt à m’accueillir. Lorsque cela arrive, j’essaye de trouver un lieu où je me sens en sécurité pour me reposer quelques heures. J’ai déjà dormi dans un aéroport, une gare, entre deux étages d’un immeuble, dans une cage d’escalier, une station-service, la réception d’un hôtel (qui avait accepté ma présence sur son canapé tant que je restais assise), un musée, chez les pompiers, et sur quelques bancs. Dans ces cas -là, je ne dors pas vraiment, je somnole, et je repars le lendemain à la première heure. Il m’est arrivé une fois de craquer, en Espagne toujours, après trois nuits de galère en plein hiver – j’ai réservé un lit dans un Guest house à Malaga. Ce fut la seule fois entre mes deux voyages sans argent.

Lors de ce voyage, il m’est également arrivé de dormir seule en pleine nature. J’ai acheté un hamac avant mon départ, un truc super avec une moustiquaire et une bâche (la bâche me servant aussi de veste de pluie). J’ai surtout dormi dans la jungle en Dominique et au Panama, en prenant soin de m’éloigner au maximum des traces humaines. Je ne m’explique pas encore ce phénomène, mais quand je voyage dans la nature, ce sont les humains qui me font le plus peur (alors que d’habitude je recherche leur présence). Je me rappelle de mes premières nuits dans la jungle quand, au moindre bruit, je bondissais avec mon couteau en criant. Ça me fait rire aujourd’hui, mais la solitude m’a parfois rendue paranoïaque ! Quand je m’enfonce dans la nature, j’essaye de trouver quelqu’un qui puisse me prêter du matériel pour cuisiner et une carte, je me renseigne sur les plantes comestibles locales, sur les animaux ou insectes auxquels je dois prêter attention. Je transmets vaguement une idée de mon programme à un ami, même s’il change souvent. Et je pars sans téléphone ni balise – sans filet de sécurité – en concentrant toute mon attention à ne pas tomber ou me perdre.

 

Aujourd’hui j’ai acquis quelques notions de vie sauvage, mais c’est une pratique que j’aimerais beaucoup approfondir en 2018. Je voudrais marcher des mois seule dans la nature, apprendre d’elle, me nourrir d’elle, et ne plus la craindre. J’ai parfois du mal à comprendre comment l’homme moderne a pu s’éloigner autant de la nature, et penser qu’il peut trouver son équilibre sans même la considérer. Aujourd’hui j’aimerais bien lui accorder une place encore plus grande dans ma vie. Je pense donc que mes prochains projets se passeront en immersion et à pied. Idée à creuser !

Pour manger

Comme je l’ai déjà mentionné plus haut, je suis souvent invitée à manger par un grand nombre de personnes, qui, en plus de m’accueillir et de m’offrir de la nourriture, me fêtent ! Ce sont pour moi des moments de joie inouïe.

Quand personne ne m’invite, j’essaye de trouver ma propre nourriture. Je glane les vivres encore comestibles qui ont été jetés à la poubelle des super marchés ou des épiceries, je demande à récupérer le vieux pain des boulangeries, les légumes moches ou invendus de fin de marché. Parfois des pêcheurs m’offrent un poisson parce qu’ils en ont assez pêché pour eux (c’est beaucoup arrivé dans les îles). Quelquefois, il m’est arrivé d’échanger un repas dans un restaurant contre de l’aide pour la vaisselle ou pour les nettoyages. Ma solution de secours, l’ultime, quand j’ai vraiment faim/froid/soif, consiste à m’installer dans un fast food, à récupérer un gobelet pour me servir à la fontaine de soda et à m’enthousiasmer devant des restes de frites molles. Dans la nature je mange principalement des noix de coco, mâche de la canne à sucre et des racines. En Norvège je pêchais beaucoup, mais ayant cassé ma canne avant d’atteindre les Caraïbes cette année, j’ai dû faire sans.

Désormais, j’essaye de trouver de la nourriture avant d’avoir faim, car quand le ventre gargouille cela devient compliqué. Néanmoins, mon estomac s’est habitué à ne plus manger aussi régulièrement qu’à la maison et encore moins à heure fixe. Je mange quand je peux, en général un bon repas par jour. Il m’est arrivé de ne rien manger pendant trois jours, mais cela reste du domaine de l’exception.

Pour plus de conseils par rapport au Freeganisme, je vous invite à lire les articles d’Astrid d’Histoire de Tongs. D’ailleurs son blog est une mine d’informations, elle a écrit beaucoup d’articles pratiques sur le voyage alternatif, le stop, la vie en van ou sans argent. Je vous le conseille mille fois.

Pour tous les autres conseils pratiques, j’ai lu et relu durant des mois la Bible du Grand Voyageur, que je vous conseille également.

Volontariat

Durant cette année de voyage, et c’est la grande nouveauté pour moi, j’ai commencé à pratiquer le volontariat. Je me suis rendu compte qu’en ne travaillant plus au sein d’une entreprise, j’avais énormément de temps à consacrer à d’autres projets, notamment écrire des textes. J’ai aussi pu m’investir dans différentes causes visant à aider mon prochain, ce qui pour moi compte autant que le voyage et l’écriture.

J’ai participé à trois projets durant cette année 2017 :

Le premier était un bénévolat sur l’île de la Dominique, au cours duquel pendant un mois et demi j’ai pris soin de trois garçons (3, 5 et 10 ans) habitant dans la jungle. L’idée était de leur proposer des activités de plein air et de leur faire l’école à la maison. Je me suis énormément attachée à Souley, le plus grand, avec lequel je partais à la plage ainsi qu’à la recherche frénétique de noix de coco. Il me manque tous les jours et j’espère le revoir vite.

Ensuite, j’ai rejoint les Sea Shepherd pour une durée de six semaines. J’ai participé à la campagne « Good Pirates of Caribbean » qui venait en aide aux sinistrés d’Irma, et dans l’urgence, à ceux de la Dominique. C’est dans ce cadre-là que j’ai lancé une seconde campagne Urgence Dominique. Une fois la campagne terminée, nous sommes partis au Panama où j’ai débarqué.

Le troisième projet dans lequel je me suis investie cette année a été mené auprès de l’ONG GeoParadise qui œuvre au Panama dans le but de venir en aide aux populations indigènes. Depuis 2011, l’organisation travaille à améliorer la qualité de vie des tribus, tout en les aidant à conserver leur culture et leur héritage menacés. En 2013, le festival Tribal Gathering est né, un événement durant lequel se rassemblent chaque année des tribus du monde entier ainsi que des visiteurs pour un échange culturel de trois semaines. Mon travail auprès de l’association consistait à synthétiser tous les projets ayant eu lieu depuis 2013, ainsi que ceux prévu pour l’année 2018. J’ai créé un fichier PDF de douze pages et les textes de leur nouveau site internet. J’y suis restée durant un mois et demi.

Dans ces trois projets, j’ai eu la chance de m’épanouir, d’apprendre sur moi, sur les autres, mais surtout de découvrir une manière de travailler très différente de celles que j’ai connues jusque-là. Le travail bénévole m’apporte plus de plaisir et de valeur que s’il était rémunéré, peut-être par la part d’engagement. Dans les trois cas j’ai été nourrie logée et je n’avais aucune dépense à prévoir (excepté le vol pour rejoindre les Sea Shepherd au Mexique). J’avais trouvé le premier bénévolat en Dominique grâce à la plateforme WorkAway. Pour le Sea Shepherd j’ai postulé sur leur site internet, et pour GeoParadise je les ai contactés par mail via leur organisation, que je connaissais déjà grâce au festival.

Au départ je voulais m’engager dans l’humanitaire mais à force de me renseigner, j’ai renoncé. Beaucoup d’actions humanitaires sont devenues du simple tourisme, une forme de business allant parfois jusqu’à détruire l’équilibre fragile de certains villages. N’ayant ni pratique précise à offrir, ni suffisamment de connaissances pour démêler les bonnes actions des mauvaises, j’ai préféré laisser tomber.

Pourquoi voyager sans argent

C’est la question que l’on me pose le moins, mais qui pourtant tourne en boucle dans ma tête depuis plus de deux ans. Après 16 mois de voyage sans argent – dont cette année complète et mon premier projet en Norvège – je ne suis toujours pas très sûre des raisons d’un tel choix. Parfois je doute carrément de ma démarche.

Lors de mon premier voyage de quatre mois à travers l’Europe, j’ai parcouru près de dix mille kilomètres en stop pour reprendre confiance en l’être humain. J’avais été profondément blessée par l’agression de l’un de mes proches l’année précédente, et je m’enfonçais dans la haine ; dans la colère, la peur et la tristesse. Je devenais quelqu’un que je ne voulais pas être. Alors j’ai préféré la route à la violence, dans un ultime élan que je ne conscientise toujours pas totalement aujourd’hui. J’ai choisi de partir sans argent suite à une drôle d’aventure qui m’est arrivée à Toulouse, que je vous ai déjà racontée ici. C’est ainsi que je suis partie en avril 2015 avec l’objectif de rejoindre le Cap Nord, sans cash, sans carte de crédit, sans itinéraire précis ni matériel adéquat. Je voulais juste arriver au Cap Nord, sans plus de raison que ça. J’y suis parvenue le 29 juillet 2015, une date que j’affectionne particulièrement, que je fête plus que n’importe laquelle. Puis je suis rentrée chez moi, en stop toujours. Ce voyage fut extraordinaire, une découverte incroyable, une renaissance, une ouverture sur un monde que je ne connaissais pas, une bonne grosse claque. C’est d’ailleurs le sujet du livre que j’écris actuellement.

En fin d’année 2016, j’ai à nouveau ressenti ce besoin de partir, sans argent, sans itinéraire, sans date de retour, avec un matériel un peu moins merdique mais très minimaliste. Je voulais faire le tour du monde sans argent. J’aime l’abandon, le lâcher-prise, l’urgence parfois, que je ressens en voyageant sans argent. Chaque jour est nouveau, aucune situation ne se répète, je vis de système D et de rencontres, et cette vie me plait plus qu’aucune autre. Elle me correspond je crois.

Mais au-delà du plaisir, je sais que ma démarche est avant tout une recherche, une quête. Je suis un peu extrême comme fille, et j’ai choisi de me passer d’argent dans mon quotidien (hormis quelques exceptions citées au début de l’article), comme pour le remettre à sa place. Ou plutôt, m’aider à trouver sa juste place dans ma vie. Je m’explique : depuis ma naissance je grandis dans un monde où l’argent existe, est capital et établi pour chacun de nous. Moi je m’en suis toujours plus ou moins servi, sans jamais me questionner sur son existence, c’était normal, il était là, c’était indiscutable. Mais d’un coup, j’ai eu envie de discuter, envie de me passer d’argent pour tester autre chose, un autre partage ; un retour au troc et à l’échange. J’ai eu besoin de supprimer totalement l’argent de ma vie, pour ensuite pouvoir lui accorder une place plus juste dans mon quotidien. Je n’ai rien contre l’argent – c’est un outil comme un autre – mais malheureusement on s’en sert souvent mal et je voulais renouer un rapport sain avec. Cette coupure s’avérait nécessaire.

Hormis cela, il y a toute la dimension humaine d’un tel voyage. Dans notre société, le fait de demander de l’aide ou même d’avoir besoin de l’autre, est considéré comme une honte ou un signe de faiblesse. Et je trouve ça malheureux, dommageable, terriblement triste. On en est arrivé à un stade où tout se paie (et tout peut s’acheter), où l’on s’enferme chez soi, où l’on ne regarde même plus son voisin – si ce n’est pour le critiquer ou se comparer. Apprendre à demander a été un pas très important dans ma vie. Je crois même que cela m’a appris à mieux donner. Je fais en sorte de ne jamais forcer la main de qui que ce soit ; ne jamais tomber dans la pitié ou l’obligation, mais bel et bien dans un échange joyeux et respectueux. Je crois, et je l’espère vraiment, que les gens qui me viennent en aide le font par plaisir, que cela leur fait du bien, autant qu’à moi quand j’ai la chance d’offrir en retour.  Je crois sincèrement que la gratitude – comme la générosité – rendent heureux.

Les voyages, l’aventure, les rencontres me comblent et me rendent profondément heureuse, malgré les difficultés, l’énergie que cela me demande et les manques que je ressens parfois. Je suis devenue quelqu’un de meilleur et je crois que je transmets mes joies et mes espoirs plutôt bien. Je continue à espérer que ce que je fais a un sens et même si je ne l’ai pas encore totalement trouvé, je crois que je suis sur la bonne voie.  Il y a un adage auquel je m’accroche quand je doute (très souvent) ou que je ne sais pas quelle décision prendre – en voyage ou dans n’importe quel contexte : « n’est juste que ce qui est fécond », de Goethe. Il n’était pas con ce gars-là ! 😊

Les projets de 2018

– Ecrire mon livre, et le voir publier. C’est mon objectif principal pour les six prochains mois, écrire, écrire et écrire, enfermée dans ma chambre et clouée à mon siège, jusqu’à ce que j’aie couché sur le papier tout ce que j’ai envie de dire depuis si longtemps, et que le contenu me plaise assez pour l’envoyer à mon éditrice.

–  Intervenir au festival des Jeunes sans Frontières d’Avignon en février, comme chaque année quand je suis en Europe.

– Voyager. Je ne sais pas où ni quand, mais partir en stop, sans argent, partir rencontrer les vivants quelques mois entre mon livre et le Trek. Reprendre mon tour du monde depuis la Colombie et traverser le Pacifique, ou partir par l’Europe de l’est, ou autre ?

– Travailler un peu, si besoin.

Merci de m’avoir lue les amis, encore une fois ça m’a fait du bien de vous écrire. J’espère que cet article vous aura permis d’en apprendre plus sur mon voyage et mon projet qui va au-delà de la prouesse que peuvent représenter autant de kilomètres au compteur sans dépenser d’argent (ou le moins possible). C’est avant tout une recherche d’amour et de partage. Un message de paix.

J’espère que votre année a été aussi belle que la mienne, et je vous remercie une nouvelle fois, de tout mon coeur, pour votre soutien. ♥ ❤ ❥